Résultats Loto et intelligence artificielle : entre mythe et réalité

Principalement l’automatisation et la finesse de l’analyse. Une IA peut, par exemple, croiser des dizaines de paramètres à la fois : les fréquences, les écarts, les paires de numéros qui sont souvent tirées ensemble, etc., et pondérer tout cela dans un modèle. Là où un joueur humain pourrait se contenter de choisir les numéros "qui sortent le plus" ou au contraire "qui tardent à sortir", un algorithme peut combiner ces critères et en ajouter d’autres. Cependant, si ces paramètres ne portent pas en eux de véritable information prédictive (dans un tirage équitable, ils n’en portent effectivement pas), l’IA peut au mieux produire un classement des numéros les “plus probables”… qui ne sera guère différent de celui obtenu en regardant simplement les fréquences de sortie.

Concrètement, les méthodes utilisées par les (rares) gagnants se résument souvent à exploiter des astuces statistiques connues. La plus courante est celle des numéros fréquents : on parie que les chiffres qui sont le plus souvent sortis ces dernières années continueront sur leur lancée. C’est exactement l’approche qu’ont adoptée les étudiants italiens, préférant les numéros régulièrement tirés aux numéros en retard. L’autre école, inverse, mise sur les numéros retardataires : on se dit qu’un numéro qui n’est pas apparu depuis très longtemps finit tôt ou tard par sortir (ce qui revient à céder au fameux biais du joueur, car la probabilité théorique reste la même à chaque tirage). Une troisième approche vise à choisir des numéros peu joués par les autres joueurs. Cette technique ne change rien aux chances de gagner le tirage, mais elle peut maximiser le gain en cas de victoire en évitant de partager le jackpot. Par exemple, beaucoup de joueurs ont tendance à choisir des dates de naissance, donc des numéros entre 1 et 31, qui sont surreprésentés dans les grilles jouées. "Essayez peut-être d’élargir le périmètre", suggère la FDJ elle-même, invitant à inclure des numéros au-delà de 31 pour se démarquer. De même, certaines combinaisons "esthétiques" (par exemple 1-2-3-4-5-6) sont très populaires ; les éviter peut éviter de voir son gain dilué en dizaines de parts égales si, par un miracle, elles sortaient.

D’autres paramètres entrent en jeu dans les stratégies des joueurs chevronnés : équilibre entre nombres pairs et impairs, répartition entre petits et grands numéros, sommes totales des cinq numéros oscillant généralement dans une certaine plage, etc. Ces idées sont issues de l’observation empirique des tirages passés. Par exemple, on remarque qu’il est rare que les 5 numéros gagnants soient tous pairs ou tous impairs - la combinaison gagnante comporte généralement un mélange des deux. De même, il est peu probable (quoique possible) que les numéros gagnants soient les cinq plus petits (1-2-3-4-5) ou cinq très grands proches du 49 ; un panachage apparaît souvent. Ces constats descriptifs peuvent guider le choix d’une grille “équilibrée”, mais ils ne constituent pas pour autant une martingale. En effet, même si certaines configurations se produisent moins souvent que d’autres, elles restent du domaine du hasard. L’IA peut aider un joueur à générer automatiquement des grilles respectant ce genre de critères (par exemple : "donne-moi 5 numéros avec 2 pairs et 3 impairs, dont au moins 2 au-dessus de 31, en privilégiant ceux qui ont une forme récente élevée"). On utilise ici l’IA comme un assistant statistique avancé, capable de fabriquer des combinaisons “malignes”. Mais au moment où les boules tournent dans le boulier, ces combinaisons malignes n’ont objectivement pas plus de chances de sortir qu’une combinaison choisie totalement au hasard par un flash. "Si vous gagnez, cela relèvera toujours d’un coup de chance", rappelle sobrement un journaliste tech à propos de ces méthodes.

En somme, l’intelligence artificielle appliquée au Loto se heurte à une limite intrinsèque : l’absence de patterns exploitables dans une suite d’événements purement aléatoires. Un programme peut bien calculer que tel numéro est sorti 12 fois cette année et tel autre seulement 3 fois, et en déduire un pronostic ; cela ne pèsera en rien dans le tirage suivant où tous deux auront exactement la même probabilité. La puissance de calcul et de modélisation de l’IA peut donner l’illusion de la maîtrise, en produisant par exemple des prédictions très élaborées, des graphiques sophistiqués, des "probabilités" ajustées. Mais sans biais caché de la loterie à exploiter, cela reste de l’ordre du jeu intellectuel. D’ailleurs, les rares situations où une méthode s’est avérée gagnante de manière répétée (Stefan Mandel, ou encore des groupes ayant exploité les failles de certaines loteries étrangères à tirage différé) reposaient sur des loopholes bien réels du système - pas sur une prédiction mystique des numéros gagnants. L’IA pourrait détecter de tels loopholes, s'ils existaient (par exemple, si une boule était légèrement plus lourde et sortait moins souvent, un algorithme pourrait repérer cette anomalie statistique), mais les procédures actuelles rendent ce scénario hautement improbable.